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LA I. IOVRNEE DES NOVVELLES

ler plus auãt, ie donne ma voix à madame Oiſile, eſtãt ſeur, que ſi elle vouloit dire des femmes, ce qu’elle en ſçait, elle fauoriſeroit mon opinion. A l’heure toute la compaignie ſe tourna vers elle, la priant vouloir commencer : ce qu’elle accepta & en riant commença à dire : Il me ſemble, mes dames, que celuy qui m’a donné ſa voix, a tant dict de mal des femmes par vne hiſtoire veritable d’vne malheureuſe, que ie doibs rememorer tous mes vieux ans pour en trouuer vne, dont la vertu puiſſe deſmentir ſa mauuaiſe opinion. Et pource qu’il m’en eſt venuë vne au deuant digne de n’eſtre miſe en oubli, ie la vous vay compter.



Piteuſe & chaſte mort de la femme d’vn des muletiers,
de la Royne de Nauarre.


NOVVELLE DEVXIESME.



En la ville d’Amboiſe y auoit vn muletier qui ſeruoit la Royne de Nauarre, ſœur du Roy François premier de ce nom, laquelle eſtoit à Blois acouchée d’vn fils, auquel, lieu eſtoit allé ledict muletier pour eſtre payé de ſon quartier, & ſa femme demoura audict Amboiſe logée de lá les ponts. Or y auoit il longtemps, qu’vn varlet de ſon mary l’aimoit ſi deſeſperement, qu’vn iour il ne ſe peut tenir de luy en parler : mais elle qui eſtoit vraye femme de bien, le print ſi aigrement, le menaſſant de le faire battre & chaſſer par ſon mary, que depuis il ne luy en oſa tenir propos, ne faire ſemblant. Et garda ce feu couuert en ſon cueur iuſques au iour que ſon maiſtre fut allé dehors, & ſa maiſtreſſe à veſpres à ſainct Florẽtin, Eglise du chaſteau fort loing de la maiſon. Eſtant demeuré ſeul, luy vint en fantaſie de pouuoir auoir par force ce que par nulle priere & ſeruice n’auoit peu acquerir. Et rompit vn aiz qui eſtoit entre la chambre de ſa maiſtreſſe, & celle ou il couchoit. Mais à cauſe, que le rideau tãt du lict de ſa maiſtreſſe, & de ſon maiſtre, que des ſeruiteus de l’autre coſté couuroit les murailles, ſi bien que lon ne pouuoit veoir l’ouuerture qu’il auoit fai-


cte, ne