NOUVVELLE CINQVANTENEVFIESME.
a dame, de qui vous auez faict le compte
auoit eſpousé vn mary de bõne & ancienne
maiſon, & riche gentil-homme, & par
grande amitié de l’vn & de l’autre, ſe feiſt
ce mariage. Elle, qui eſtoit l’vne des
femmes du monde, parlant auſsi plaiſamment,
ne diſsimuloit point à ſon mary, qu’elle
n’euſt des ſeruiteurs, deſquels elle ſe mocquoit & paſſoit ſon
temps, dont ſon mary auoit ſa part du plaiſir, mais à la longue
ceſte vie luy faſcha : car d’vn coſté il trouuoit mauuais qu’elle
entretenoit longuement ceux qu’il ne tenoit pour ſes parens
& amis : d’autre coſté luy faſchoit fort la deſpenſe, qu’il eſtoit
cõtrainct de faire pour entretenir ſa gorgiaſeté, & ſuiure
la court. Parquoy le plus ſouuent qu’il pouuoit ſe retiroit en ſa
maiſon, ou tant de compagnie l’alloit veoir, que ſa deſpenſe
n’amoindriſſoit gueres en ſon meſnage. Car ſa femme, en quelque
lieu qu’elle fuſt, trouuoit touſiours moyen de paſſer ſon
temps à quelques ieux, dãces, & à toutes choſes, auſquelles honneſtemẽt
les ieunes dames ſe peuuent exercer. Et quelquefois
que ſon mary luy diſoit en riãt que leur deſpẽfe eſtoit trop grãde,
elle luy faiſoit reſpõſe, qu’il s’aſſeuraſt, qu’elle ne le feroit iamais
cocqu, mais ouy bien coquin. Car elle aimoit ſi tresfort
les accouſtremens, qu’il falloit qu’elle en euſt des plus beaux
& riches, qui fuſsẽt en la court, ou ſon mary la menoit le moins
qu’il pouuoit, & ou elle faiſoit tout ſon poſsible d’aller. Et pour
ceſte occaſion ſe rendit toute complaiſante à ſon mary, qui de
choſe plus difficile ne la vouloit pas reffuſer. Or vn iour voyant
que toutes ſes inuentions ne le pouuoient gaigner à faire ce
voyage de la court, s’apperceut qu’il faiſoit fort bonne chere à
vne femme de chambre à chapperon, qu’elle auoit, dont elle
eſperoit bien faire ſon proffit. Et vn ſoir elle retira à part ceſte
fille de chãbre, & l’interrogea ſi finemẽt tant par promeſſes que