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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

ſont eſtimées mal entre les hommes. Ie ne ſuis d’opinion que morts ne vifs on doiue baiſer, ſi ce n’eſt ainſi que Dieu le commande. Quant à moy, diſt Hircan, ie me ſoucie ſi peu de baiſer les femmes, hors mis la mienne, que ie m’accorde à toutes les loix, que lon voudra : mais i’ay pitié des ieunes gens, à qui vous voulez oſter vn ſi petit contentement, & faire nul le commandemẽt de ſainct Paul, qui veult que lon baiſe in oſculo ſancto. Si ſainct Paul euſt eſté tel homme, que vous, diſt Nomerfide, nous euſsions demandé l’experience de l’eſprit de Dieu, qui parloit en luy. A la fin, diſt Guebron, vous aimerez mieux douter de la ſaincte eſcriture, que de faillir à l’vne de voz petites ceremonies. Ia à Dieu ne plaiſe, diſt Oiſille, que nous doutons de la ſaincte eſcriture, veu que ſi peu nous croyons en voz mẽſonges. Car il n’y a nulle, qui ne ſçache bien ce qu’elle doit croire, c’eſt de iamais ne mettre en doute la parole de Dieu, & moins adiouſter foy à celle des hommes, ſe deſtournans de la verité. Si croy-ie, diſt Simontault, qu’il y a eu plus d’hommes trompez par les femmes, que de femmes par les hommes. Car la petite amour, qu’elles ont à nous, les garde de croire la verité, & la treſgrande amour, que nous leur portons, nous faict tellement fier en leurs menſonges, que pluſtoſt nous ſommes trompez, que ſoupçonnez de le pouuoir eſtre. Il ſemble, diſt Parlamente, que vous ayez ouy la plaincte de quelque ſot deceu par vne folle : car voſtre propos eſt de ſi petite authorité, qu’il a beſoing d’eſtre fortifié d’exemple. Parquoy ſi vous en ſçauez quelqu’vn, ie vous donne ma place pour le racompter. Et n’entends pas, que pour vn mot, ſoyons ſubiects de vous croire. Mais pour vous eſcouter dire mal de nous, noz nouuelles n’en ſentiront point de douleur : car nous ſçauons ce qui en eſt. Or puis que i’ay lieu, diſt Simontault, ie le vous diray.

Vne dame de court ſe venge plaiſamment d’vn ſien ſeruiteur d’amourettes.

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