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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

perie, qu’il luy auoit faicte. Et ſur cela, enuoya querir la iuſtice, entre les mains de laquelle elle les meit tous deux. Il eſt à iuger que, ſ’il y auoit des gens de bien pour iuges, ils ne laiſſerent pas la choſe impunie.

Voila, mes dames, pour vous monſtrer, que tous ceux, qui vouënt pauureté, ne ſont pas exempts d’eſtre tentez d’auarice, qui eſt l’occaſion de faire tant de maux. Mais tant de biens, diſt Saffredent : car de cinq cens ducats, dont la vieille vouloit faire treſor, en furent faictes beaucoup de cheres. Et la pauure fille, qui auoit tant attẽdu vn mary, par ce moyen en pouuoit auoir deux, & ſçauoir mieux parler à la verité de toutes hierarchies. Vous auez touſiours les plus faulſes opinions, diſt Oiſille, que ie vey iamais : car il vous ſemble, que toutes les femmes ſont de voſtre complexion. Ma dame, ſauf voſtre grace, diſt Saffredent : car ie vouldrois qu’il m’euſt couſté beaucoup, & elles fuſſent auſsi aiſées à contenter, que nous. Voila vne mauuaiſe parole, diſt Oiſille : car il n’y a nul icy, qui ne ſçache bien tout le contraire de voſtre dire. Et qu’il ne ſoit vray, le compte, qui eſt faict maintenant, monſtre bien l’ignorance des pauures femmes, & la malice de ceux, que nous tenons meilleurs, que vous autres hommes : car elle ne ſa fille, ne vouloient rien faire à leur fantaſie, mais ſoubmettoient leur deſir à bon conſeil. Il y a des femmes ſi difficiles, diſt Longarine, qu’il leur ſemble qu’elles doiuent auoir des anges. Et voila pourquoy, diſt Simontault, elles trouuent ſouuent des diables, principalement celles, qui ne ſe confians en la grace de Dieu, cuident par leur bon ſens, ou celuy d’autruy, pouuoir trouuer en ce monde quelque felicité, qui n’eſt donnée, ny ne peult venir, que de Dieu. Comment ? Simontault, diſt Oiſille, ie ne penſois que vous ſceuſsiez tant de bien. Ma dame, diſt Simontault, c’eſt grand dommage, que ie ne ſuis bien experimenté. Car par faulte de me cognoiſtre, ie voy que vous auez mauuais iugement de moy : mais ſi puis-ie bien faire le meſtier d’vn cordelier, puis que le cordelier ſ’eſt meſlé du mien. Vous appellez donc eſtre meſtier, diſt Parlamente, de trõper les femmes : & ainſi de voſtre bouche meſme vous vous iugez. Quand i’en aurois trompé cent mil, diſt Simõtault, ie ne ſerois pas encores vengé, des peines, que i’ay euës pour vne ſeule. Ie ſçay, diſt Parlamente, combien de fois vous vous plaignez

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