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LA V. IO VRNEE DES NOVVELLES en a, qui ont aimé iuſques à la mort. L’ay tel deſir d’ouyr ceſte nouuelle, diſt Hircan, que ie vous donne ma voix, pour cognoiſtre aux femmes l’amour que ie n’ay iamais eſtimée y eſtre. Mais que vous l’oyez, diſt Longarine, vous le croirez, & qu’il n’eſt plus forte paſsion, que celle d’amour : mais tout ainſi qu’elle faict entreprendre choſes quaſi impoſsibles, pour aquerir quelque contentement en ceſte vie : auſsi mine-elle, plus que toute au- tre paſsion, celuy, ou celle, qui perd l’eſperance de fon deſir : co- me vous verrez par ceſte hiſtoire. Smie Croi Vn amoureux, apres la faignée, reçoit le don de mercy : dont il meurt, & ſa dame, pour l’amour de luy. NOVVELLE engl Dod 251hsig sol est a CINQVANTIES ME. bro’s opsa ongendiu N LA ville de Cremonne il n’y pas encores vn an, qu’il y auoit vn gentil-homme, nommé mefsire Iean Pietre, lequel auoit aimé longuement vne dame, qui demeu. roit pres de fa maifon : mais pour pourchas, qu’il fceuft faire, n’en pouuoit auoir la re- fponfe qu’il defiroit, combien qu’elle l’ai. maît de tout ion cueur. Dont le pauure gentil-home fut fi en- nuyé & fafché, qu’il fe retira en fon logis, deliberé de ne pour- fuyure plus en vain, le bien, dont la pourfuitte confommoit fa vie. Et pour en cuider diuertir fa fantafie, fut quelques iours fans la veoir, dont il tomba en telle trifteffe, que lon le meſco- gnoiffoit. Ses parens feirent venir les medecins, & voyans que le vifage luy deuenoit iaune, eftimerent que c’eftoit vne oppi- lation de foye, & luy ordonnerent la faignée. Cefte dame, qui auoit tant faict la rigoureufe, fçachant tresbien que la maladie ne luy venoit que par fon reffus, enuoya vers luy vne vieille en qui elle fe fioit, & luy manda que, puis qu’elle cognoiffoit, que fon amour eftoit veritable, & non feincte, elle eftoit deliberée luy accorder du tout ce que fi long temps luy auoit reffufe. Elle auoit trouué moyen de faillir de fon logis en vn lieu, ou priué- ment il la pouuoit veoir. Le gentil-homme, qui au matin auoit efté faigné au bras, fe trouuant par cefte parole mieux guary qu’il 11