Page:Marguerite de Navarre - L'heptaméron des nouvelles, 1559.pdf/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LA V. IOVRNEE DES NOVVELLES

tinuée, & mieux finie : car encores que ce ſoit le commun d’entre vous hommes, de deſdaigner vne fille ou femme, depuis qu’elle vous a eſté liberale de ce que vous cherchez le plus en elles : ſi eſt-ce, que ce ieune homme, eſtant poulſé de bonne & ſincere amour, & ayant cogneu en ſ’amye ce que tout mary deſire en la fille qu’il eſpouſe, & auſsi la cognoiſſant de bonne lignée & ſage, au reſte de la faulte, que luy meſme auoit commiſe, ne voulut point adulterer, ny eſtre cauſe ailleurs d’vn mauuais mariage : en quoy ie le trouue grandement louable. Si eſt-ce, diſt Oiſille, qu’ils ſont tous deux dignes de blaſme, voire le tiers auſsi, qui ſe faiſoit miniſtre, ou du moins adherant, à vn tel violement. M’appellez vous cela violement, diſt Saffredent, quand les deux parties en ſont bien d’accord ? Eſt il meilleur mariage, que ceſtuy lá, qui ſe faict ainſi d’amourettes ? C’eſt pourquoy on dict en prouerbe, que les mariages ſe font au ciel. Mais cela ne ſ’entend pas des mariages forcez, ny qui ſe font à pris d’argent, & qui ſont tenuz pour treſapprouuez, depuis que le pere & la mere y ont donné conſentement. Vous en direz ce que vous vouldrez (repliqua Oiſille) ſi fault il que nous recognoiſsions l’obeïſſance paternelle, & par default d’icelle, auoir recours aux autres parens. Autrement ſ’il eſtoit permis à tous & toutes, de ſe marier à volonté, quants mariages cornuz trouueroit on ? Eſt il à preſuppoſer, qu’vn ieune homme & vne fille de xij. ou xv. ans, ſçachent ce que leur eſt propre ? Qui regarderoit bien le contenement de tous les mariages, on trouueroit qu’il y en a, pour le moins autant de ceux, qui ſe ſont faicts par amourettes, dont les yſſues en ſont mauuaiſes, que de ceux, qui ont eſté faicts forcément. Pource que ces ieunes gens, qui ne ſçauent ce qui leur eſt propre, ſe prennent au premier qu’ils trouuent, ſans conſideration : puis peu à peu ils deſcouurent leurs erreurs, qui les faict entrer en de plus grandes. Lá ou au contraire la plupart de ceux, qui ſe font forcément, procedent du diſcours de ceux, qui ont plus veu, & ont plus de iugement, que ceux à qui plus il touche : en ſorte, que quand ils viennent à ſentir le bien qu’ils ne cognoiſſoient, ils le ſauourent & embraſſent beaucoup plus auidemẽt, & de plus grande affection. Voire, mais vous ne dictes pas, ma dame (diſt Hircan) que la fille eſtoit en hault aage nubile, co-

gnoiſſant