LES NOVVELLES DE LA
ROYNE DE NAVARRE.
Vne femme d’Alençon auoit deux amis, l’un pour le plaiſir, l’autre pour le profit : elle feit tuer celuy des deux, qui premier s’en apperceut, dont elle impetra remißion pour elle & ſon mary fugitif, lequel de puis pour ſauuer quelque argẽt, s’adreſſa à vn Necromancien, & fut leur entreprinſe deſcouuerte, & punie.
PREMIERE NOVVELLE.
n la ville d’Alençon du
viuant du Duc Charles dernier
Duc, y auoit vn procureur nõmé
ſainct Aignan, qui auoit eſpouſé
vne gentil-femme du pays, plus
belle, que vertueuſe : laquelle
pour ſa beauté & legereté, fut fort
pourſuyuie d’vn prelat d’Egliſe,
duquel ie tairay le nom pour la reuerence
de l’eſtat. Qui pour paruenir
à ſes fins, entretint ſi bien le
mary, que non ſeulemẽt il ne ſ’apperceut
du vice de ſa femme, & du prelat, mais qui plus eſt, luy
feiſt oublier l’affectiõ qu’il auoit touſiours euë au ſeruice de ſes
maiſtre & maiſtreſſe. En ſorte que d’vn loyal ſeruiteur, deuint ſi
contraire à eux, qu’il chercha à la fin des inuocations pour faire
mourir la Ducheſſe. Or veſquit longuement ce prelat auec
ceſte malheureuſe femme, laquelle luy obeiſſoit plus par auarice,
que par amour, & auſsi que ſon mary la ſollicitoit de l’entretenir.
Mais il y auoit vn ieune homme en ladicte ville d’Alençon
fils du lieutenant general, lequel elle aimoit ſi fort, qu’elle
en eſtoit demy enragée. Et ſouuent ſ’aidoit de ce prelat pour