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PROLOGVE.

qu’il leur tardoit que le lendemain ne fuſt venu pour commencer. Ainſi paſſerent ceste iournée ioyeuſement, ramenteuant les uns aux autres ce qu’ils auoient veu de leur temps. Si tost que le matin fut venu, ſ’en allerent en la chambre de ma dame Oiſille, laquelle trouuerent deſia en ſes oraiſons : & quand ils eurent ouy vne bonne heure ſa lecon, & puis deuotement la meſſe, ſ’en allerent diſner à dix heures, & apres ſe retira chacun en ſa chambre, pour faire ce qu’il auoit à faire, & ne faillirent pas à midy de ſe trouuer au pré, ſelon leur deliberation, qui eſtoit ſi beau & plaiſant, qu’il auoit beſoing d’vn Bocace, pour le depeindre à la verité, mais vous vous contenterez que iamais n’en fut veu vn pareil. Quand l’aſſemblée fut toute aßiſe ſur l’herbe verte, ſi mole & delicate, qu’il ne leur failloit ny carreau ny tapis, Simontault commenca à dire : Qui ſera celuy de nous qui aura commandement ſur les autres ? Hircan luy reſpondit : Puis que vous auez commencé la parolle, c’eſt raiſon que vous commandiez, car au ieu nous sommes tous eſgaulx. Pleuſt à Dieu, diſt Simontault, que ie n’euſſe bien en ce monde, que de pouuoir commander à toute ceſte compaignie. A ceſte parolle Parlamente l’entendit treſ-bien, qui ſe print à touſſer : parquoy Hircan ne ſ’apperceut de la couleur qui luy montoit aux iouës, mais diſt à Simontault : commencez à dire quelque bonne choſe, & lon vous eſcoutera. Lequel conuié de toute la compaignie, ſe print à dire : Mes dames, i’ay eſté ſi mal recompensé de mes longs ſeruices, que pour me venger d’Amour, & de celle qui m’eſt ſi cruelle, ie mettray peine de faire vn recueil de tous les mauuais tours, que les femmes ont faict aux pauures hommes, & ſi ne diray rien que pure verité.

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