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LA V. IOVRNEE DES NOVVELLES

& font le contraire. Car il ne fault point craindre à ſcandaliſer ceux, qui ſcandaliſent les autres. Et me ſemble que c’eſt grand merite de les faire cognoiſtre tels, qu’ils ſont, à fin que nous nous donnions garde de leurs ſeductions à l’endroit des filles, qui ne ſont pas touſiours bien aduiſées. Mais à qui donnera Hircan ſa voix ? Puis que vous me le demandez, ce ſera à vous meſmes, diſt Hircan, à qui nul homme d’entendement ne la doit reſuſer. Or puis que vous me la donnez, diſt Parlamente, ie vous en vay compter vne, dont ie puis ſeruir de teſmoing : & ay touſiours ouy dire, que tant plus la vertu eſt en vn ſubiect debile & foible, aſſaillie de ſon tresfort & puiſſant cõtraire, c’eſt à l’heure qu’elle eſt plus louable, & ſe mõſtre mieux telle qu’elle eſt. Car ſi le fort ſe deffend du fort, ce n’eſt pas cas eſmerueillable : mais ſi le foible en a victoire, il en a gloire de tout le monde. Pour cognoiſtre les perſonnes, dont ie veux parler, il me ſemble, que ie ferois tort à la verité, que i’ay veuë cachée ſous vn ſi pauure veſtement, que nul n’en tenoit compte, ſi ie ne parlois de celle, par laquelle ont eſté faicts actes ſi honneſtes, qu’ils me contraignent les vous racompter.



Continence d’vne ieune fille, contre l’opiniaſtre pourſuitte amoureuſe d’vn des grands ſeigneurs de France : & l’heureux ſuccez qu’en eut la damoiſelle.


NOVVELLE QVARANTEDEVXIESME.



En vne des meilleures villes de Touraine demeuroit vn ſeigneur de grande & bonne maiſon, lequel y auoit eſté nourry de ſa grande ieuneſſe. Des perfections, grace, beauté, & grandes vertuz de ce ieune prince, ne vous en diray autre choſe, ſinõ qu’en ſon temps ne trouua iamais ſon pareil. Eſtant en l’aage de quinze ans, il prenoit plus grand plaiſir à courir & chaſſer, que non pas à regarder les belles dames. Vn iour eſtant en vne egliſe, regarda vne ieune fille, laquelle autres fois auoit eſté nourrie en ſon enfance au chaſteau, ou il demeuroit : & apres la mort de ſa mere, ſon pere ſe remaria :


parquoy