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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

nous faire plorer. Vous ferez doncques bien cruelles, mes dames, dift Saffredent, fi n'auez pitié d'vn cordelier, duquel ie vous com- pteray l'histoire. Et encores que par celles, qu'aucuns d'entre nous ont recitées cy deuant, vous pourriez penſer que ce font cas adue- nuz à pauures damoiſelles, dont la facilité de l'execution a faict fans crainte commencer l'entreprinfe: fi eſt-ce que,pour vous faire cognoiftre, que l'aueuglement de leur concupiſcence leur ofte tou- te crainte,& prudente confideration: à ceſte fin, ie vous diray qui aduint en Flandres.

Eftrange & nouuelle penitence, donnée par vn cordelier con- feſſeur à vne icune damoiſelle.

NOVVELLE QVARANTEVNIESME.

ANNEE que madame Marguerite d'Au- triche vint à Cambray de la part de ſon nepueu l'Empereur, pour traiter la paix entre luy & le Roy trefchreſtien, de la part duquel s'y trouua fa mere ma dame Loyfe de Sauoye, eftoit en la compaignie de la- dicte dame Marguerite la Comteffe d'Ai- guemont, qui emporta en ceſte aſſemblée le bruit d'eftre la plus belle de toutes les Flamandes. Au retour de ceſte grande aſſemblée, s'en retourna la Comteffe d'Aiguemont en fa mai- ſon: & le temps des aduents venu, enuoya en vn conuent de cordeliers demander vn prefcheur ſuffiſant, & homme de bien, tant pour prefcher, que pour confeſſer elle & toute fa com- paignie. Le gardien chercha le plus digne qu'il cuft de faire tel office, pour les grands biens qu'ils receuoient de la maiſon d'Aiguemont & de celle de Piennes, dont elle eftoit. Eux, qui fur tous autres religieux defirent gaigner la bonne eſtime, & a- mitié des grandes maiſons, enuoyerent vn predicateur le plus apparent de leur conuent, lequel tout le long de l'aduent feit tresbien ſon deuoir,& auoit la Comteffe grand contentement de luy. La nuit de Noël, que la Comteffe vouloit receuoir ſon

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