eternelle. Qu’appellez vous les fauxbourgs de la mort ? diſt Simontault. Ceux qui ont beaucoup de tribulations en l’eſprit : ceux auſſi, qui ont eſté longuement malades, & qui par extremité & douleur corporelle ou ſpirituelle, ſont venuz à deſpriſer la mort, & trouuer ſon heure trop tardiue. Ie dy, que ceux lá ont paſſé par les fauxbourgs, & vous diront comme ſe nomment les hoſtelleries, ou ils ont plus crié que repoſé, & que ceſte dame ne pouuoit faillir de perdre ſon mary par mort : mais elle a eſté exempte par la colere de ſon frere de veoir ſon mary longuement malade ou faſché, & elle, conuertiſſant l’aiſe qu’elle auoit auec luy au ſeruice de noſtre ſeigneur, ſe pouuoit dire bien heureuſe. Ne faictes vous point cas, diſt Longarine, de la hõte qu’elle receut, & de ſa priſon ? I’eſtime, diſt Nomerfide, que la perſonne, qui aime parfaitement d’vn amour ioinct au commandement de ſon Dieu, ne cognoiſt honte ne deshonneur, ſinon quand elle deffault ou diminuẽ de la perfection de ſon amour : car la gloire de bien aimer ne cognoiſt nulle honte. Et quant à la priſon de ſon corps, ie croy, que pour la liberté de ſon cueur, qui eſtoit ioincte à Dieu & à ſon mary elle ne la ſentoit point : mais eſtimoit la ſolitude, treſgrande liberté : car qui ne peult veoir, ce qu’il aime, n’a plus grãd bien que d’y penſer inceſſamment. Et la priſon n’eſt iamais eſtroicte, ou la penſée ſe peult promener à ſon aiſe. Il n’eſt rien plus vray que ce que dit Nomerfide, diſt Simontault, mais celuy qui feit ceſte ſeparation par fureur, ſe deuoit dire malheureux : car il offenſoit Dieu, l’amour, & l’honneur. En bonne foy, diſt Guebron, ie m’esbahis des differentes amours des femmes, & voy bien que celles, qui ont plus d’amour, ont plus de vertu : mais celles qui en ont moins, ſe voulans feindre vertueuſes, le diſsimulẽt. Il eſt vray, diſt Parlamente, que le cueur honneſte enuers Dieu & les hommes, aime plus fort que celuy, qui eſt vicieux, & ne craint point que lon voye le fond de ſon intention. I’ay touſiours ouy dire, diſt Simontault, que les hommes ne doiuent point eſtre reprins de pourchaſſer les femmes : car dieu a mis au cueur de l’homme l’amour & la hardieſſe pour demander, & en celuy de la femme, la crainte & la chaſteté, pour refuſer. Si l’homme, ayant vsé des puiſſances, qui luy ſont données, a
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DE LA ROYNE DE NAVARRE.