Punition plus rigoureuſe qu’e mort, dun mary enuers ſa femme adulrere.
NOVVELLE TRENTEDEVXIESME.
e roy Charles huictieſme de ce nom, enuoya
en Allemagne vn gentil-hõme nommé
Bernage, ſeigneur de Cyuré pres Amboiſe,
lequel pour faire bonne diligence, &
aduancer ſon chemin, n’eſpargnoit iour ne
nuict, en ſorte qu’vn ſoir bien tard, arriua
au chaſteau d’vn gẽtil-homme, ou il demãda
logis, ce qu’à grand peine peut auoir. Toutesfois quand le
gentil-homme entendit qu’il eſtoit ſeruiteur d’vn tel Roy, s’en
alla au deuant de luy, & le pria de ne ſe mal contenter de la rudeſſe
de ſes gens : car à cauſe de quelques parens de ſa femme,
qui luy vouloient mal, il eſtoit contrainct tenir ſa maiſon ainſi
fermée. Au ſoir ledict Bernage luy diſt l’occaſion de ſa legation,
en quoy le gẽtilhomme s’offroit de faire tout ſeruice à luy poſſible
au roy ſon maiſtre : & le mena dedans ſa maiſon, ou il le
logea & feſtoya honorablement. Et eſtant heure de ſoupper, le
gentil-homme le mena en vne ſalle tendue de belle tapiſſerie :
& ainſi que la viande fut apportée ſur la table, veit ſortir de
derriere la tapiſſerie vne femme, la plus belle qu’il eſtoit poſsible
de regarder, mais elle auoit la teſte toute tonduë, le demeurant
du corps habillé de noir à l’Allemande. Apres que le gentil-homme
eut laué auec ledict Bernage, lon apporta l’eau à ceſte
dame, qui laua, & s’en alla ſeoir au bout de la table, ſans parler
à nul, ny nul à elle. Le ſeigneur de Bernage la regarda bien
fort, & luy ſembla l’vne des plus belles dames qu’il euſt iamais
veuë, ſinon qu’elle auoit le viſage bien pale, & la contenance
fort triſte. Apres qu’elle eut vn peu mangé, demanda à boire,
ce que luy apporta vn ſeruiteur de leans, dedãs vn eſmerueillable vaiſſeau : car c’eſtoit la teſte d’vn mort, de laquelle les pertuis eſtoiẽt bouchez d’argent : & ainſi beut deux ou trois fois la
damoiſelle. Apres qu’elle eut ſouppé & laué les mains, feit vne
reuerence au ſeigneur de la maiſon, & s’en retourna derriere la
tapiſſerie, ſans parler à perſonne. Bernage ſut tant esbahy, de