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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

ſe vouloit rendre de ſoymeſmes impeccable, & chercher ſi fort les occaſions de peché. Il y en a, diſt Saffredent, qui ſont tout au contraire : car quoy qu’ils fuyent tant qu’ils peuuẽt les occaſiõs, encores la concupiſcence les ſuyt. Et le bon ſainct Hieroſme, apres s’eſtre bien fouëtté, & caché dans les deſerts, confeſſa ne pouuoir euiter le feu qui bruſloit dedans ſes mouëlles. Parquoy ſe fault recõmander à Dieu : car ſi par ſa puiſſance, vertu, & bonté il ne nous retiẽt, nous prenõs grand plaiſir à trebucher. Mais vous ne regardez pas ce que ie voy, diſt Hircan : c’eſt que, tant que nous auons recité noz hiſtoires, les moynes eſtans derriere ceſte haye, n’ont point oy le cloche de leurs veſpres : & maintenant, quand nous auons commẽcé à parler de Dieu, ils s’en ſont allez, & ſonnent à ceſte heure le ſecond coup. Nous ferons bien de les ſuiure, diſt Oiſille, & louër Dieu de ce que nous auons paſſé ceſte iournée auſsi ioyeuſement qu’il eſt poſsible. Et en ce diſant ſe leuerent & s’en allerent à l’egliſe, ou ils oyrent les veſpres deuotement. Puis s’en allerent ſoupper, deuiſans des propos paſſez, & rememorans pluſieurs cas aduenuz de leur temps, pour voir leſquels ſeroient dignes d’eſtre retenuz. Et apres auoir paſſé ioyeuſement tout le ſoir, allerent prendre leur doux repos, eſperans ne faillir le lendemain à continuer l’entreprinſe, qui leur eſtoit ſi agreable. Ainſi fut mis fin à la tierce iournée.

FIN DE LA TROISIESME IOVRNEE DES

NOVVELLES DE LA ROYNE

DE NAVARRE.
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