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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

lieutenant, qui donna ſa ſentence au ſecrettaire, diſant qu’il auoit apprins à ſes deſpens à tromper les Gaſcons : & n’en rapporta autre conſolation, que ſa honte.

Cecy aduient à pluſieurs, leſquels cuidans eſtre trop fins s’oublient en leurs fineſſes. Parquoy il n’eſt rien tel, que de ne faire à autruy choſe qu’on ne vouluſt eſtre faicte à ſoy-meſme. Ie vous aſſeure, diſt Guebron, que i’ay veu ſouuent aduenir pareilles choſes, & ceux que lon eſtime ſots de village, tromper de bien fines gents. Car il n’eſt rien plus ſot, que celuy qui penſe eſtre fin : ne rien plus ſage, que celuy qui cognoiſt ſon rien. Encores, diſt Parlamente, celuy ſçait quelque choſe, qui cognoiſt ne le cognoiſtre point. Or, diſt Simontault, de peur que l’heure ne ſatisface à noz propos, ie donne ma voix à Nomerfide : car amour donne aux princes & aux gens nourriz en lieu d’honneur, les moyens de ſe ſçauoir retirer du danger. Car ils ſont nourriz auecques tant de gens ſçauans, que ie m’eſmerueillerois beaucoup plus s’ils eſtoient ignorans de quelques choſes. Mais l’inuention d’amour ſe monſtre plus clairement, quand il y a moins d’eſprit en ſes ſubiects. Et pour cela vous veux racompter vn tour que feit vn preſtre apris feulemẽt d’amour : car il eſtoit ſi ignorant de toutes autres choſes, qu’à peine pouuoit il lire ſa meſſe.



Vn bon Iannin de village, de qui la femme faiſoit l’amour auecques ſon curé, ſe laiſſa aiſéement tromper.


NOVVELLE VINGTNEVFIESME.



En la Comté du Maine, en vn village nõmé Arcelles, y auoit vn riche homme laboureur, qui en ſa vieilleſſe eſpouſa vne belle ieune femme, qui n’eut de luy nuls enfans : mais de ſa perte ſe reconforta auec pluſieurs amis. Et quand les gentils-hommes & gens d’apparence luy fail-

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