NOVVELLE VINGTHVICTIESME.
stant le Roy François premier de ce
nom, en la ville de Paris, & ſa ſœur la Royne
de Nauarre en ſa cõpaignie, elle auoit
vn ſecrettaire, qui n’eſtoit pas de ceux qui
laiſſent tomber le bien en terre ſans le recueillir,
en ſorte qu’il n’y auoit preſidẽt ne
conſeillier qu’il ne cogneuſt, marchand ne
riche homme qu’il ne frequentaſt, & auquel il n’euſt intelligence.
A l’heure vint auſsi en ladicte ville de Paris vn marchãd
de Bayonne nommé Bernard du Ha, lequel tant pour ſes affaires,
qu’à cauſe que le lieutenant ciuil eſtoit de ſon païs, s’adreſſoit
à luy pour auoir conſeil & ſecours en iceux affaires. Ce ſecrettaire
de la Royne de Nauarre alloit auſsi ſouuent viſiter le
lieutenant, comme bon ſeruiteur de ſon maiſtre & maiſtreſſe.
Vn iour de feſte allant ledict ſecrettaire chez le lieutenant, ne
trouua ne luy ne ſa femme, mais ouït bien Bernard du Ha, qui
auec vne vielle ou autre inſtrumẽt apprenoit à dancer aux chãbrières
de leans les branles de Gasſcongne. Quand le ſecretraire
le veid, luy voulut faire à croire qu’il faiſoit mal, & que, ſi la
lieutenante & ſon mary le ſçauoient, ils ſeroient treſmal contens
de luy. Et apres luy auoir bien peinct la crainte deuant les
yeux, iuſques à ſe faire prier de n’en parler point, luy demanda :
Que me donnerez vous, & ie n’en diray mot ? Bernard du Ha,
qui n’auoit pas ſi grand peur qu’il en faiſoit le ſemblant, voyant
que le ſecrettaire le vouloit tromper, luy promit de luy donner
vn paſté du meilleur iambon de Baſque qu’il mãgea iamais. Le
ſecrettaire qui en fut treſcontent, le pria qu’il peuſt auoir ſon
paſté le Dimanche apres diſner, ce qu’il luy promiſt, & aſſeuré
de ceſte promeſſe, s’en alla veoir vne dame de Paris, qu’il deſiroit
ſur toutes choſes eſpouſer, & luy diſt : Ma dame, ie viendray
Dimanche ſoupper auec vous s’il vous plaiſt, mais il ne vous
fault ſoucier, que d’auoir bon pain & bon vin. Car i’ay ſi bien
trompé vn ſot Bayonnois, que le demeurant ſera à ſes deſpens,
& par ma tromperie vous feray manger le meilleur iambon de