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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

me doubte bien qui c’eſt, ſi fault il que ie die, qu’il eſt louable en ceſte choſe. Car on veoit peu de grans ſeigneurs, qui ſe ſoucient de l’honneur des femmes, ny du ſcandale du public, mais qu’ils ayent leur plaiſir : & ſouuent ſont autheurs que lon penſe pis qu’il n’y a. Vrayement, diſt Oiſille, ie voudrois que tous les ieunes ſeigneurs y prinſent exemple. Car ſouuent le ſcandale eſt pire que le peché. Pẽfez, diſt Nomerfide, que les prieres, qu’il faiſoit au monaſtere ou il paſſoit, eſtoient bien fondées. Si n’en deuez vous point iuger, diſt Parlamente : car peult eſtre qu’au retour, la repentance en eſtoit telle, que le peché luy eſtoit pardonné. Il eſt biẽ difficile, dit Hircan, de ſe repẽtir d’vne choſe ſi plaiſante. Quãt eſt de moy, ie m’en ſuis ſouuentesfois cõfeſsé, mais nõ gueres repenti. Il vaudroit mieux, diſt Oiſille, ne ſe confeſſer point, ſi lon n’a bonne repentance. Or ma dame, diſt Hircan, le peché me deſplaiſt biẽ, & ſuis marri d’offenſer Dieu, mais le plaiſir me plaiſt. Touſiours vous & voz ſemblales, diſt Parlamente, voudriez biẽ qu’il n’y euſt ne Dieu ne loy, ſinõ celle que voſtre affection ordonneroit. Ie vous confeſſe, diſt Hircan, que ie voudrois que Dieu print auſsi grand piaiſir à mes plaiſirs, cõme ie fais : car ie luy donnerois ſouuent matiere de ſe reſiouïr. Si ne ferez vous pas vn Dieu nouueau, diſt Guebron, parquoy fault obeïr à celuy que nous auons. Mais laiſſons ces diſputes aux Theologiẽs, à fin que Longarine dõne ſa voix à quelqu’vn. Ie la donne, diſt elle, à Saffredent. Mais ie le prie, qu’il nous face le plus beau cõpte, dont il ſe pourra aduiſer, & qu’il ne regarde point tãt à dire mal des femmes, que lá ou il y aura du biẽ il n’en vueille monſtrer la verité. Vrayement, diſt Saffredẽt, ie l’accorde : car i’ay en main l’hiſtoire d’vne folle & d’vne ſage : vous prẽdrez l’exẽple qu’il vous plaira le meilleur. Et cognoiſtrez qu’autant qu’amour faict faire aux meſchãs de meſchãcetez, en cueur honeſte faict faire choſes dignes de louange. Car amour de foy eſt bon, mais la malice du ſubiect luy faict ſouuent prendre vn nouueau ſurnom de fol, leger, cruel, ou villain. Toutesfois par l’hiſtoire, que ie vous veux à preſent racompter, pourrez veoir qu'amour ne chãge point le cueur, mais le monſtre tel qu’il eſt, fol aux fols, & ſage aux ſages.

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