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LA III. IOVRNEE DES NOVVELLES

confeſſeur de Ieans fort vieil & homme de bien, que c’eſtoit luy qui les auoit deſrobbées, & pour ceſte cauſe le meiſt en priſon à ſainct Martin : & durant qu’il le tenoit priſonnier, ſuſcita deux teſmoings, leſquels ignoramment ſignerent ce que monſieur de ſainct Martin leur commanda : c’eſtoit, qu’ils auoient veu dans vn iardin ledict confeſſeur auec ſœur Marie en acte villain & deshonneſte : ce qu’il voulut faire aduouër au vieil religieux. Mais luy, qui ſçauoit toutes les faultes de ſon prieur, le ſupplia le vouloir mener en chapitre, & que lá deuant tous les religieux il diroit la verité de tout ce qu’il en ſçauoit. Le prieur craignant, que la iuſtification du confeſſeur fuſt ſa condamnation, ne voulut point entendre à ceſte requeſte. Mais le trouuant ferme en ſon propos, le traicta ſi mal en priſon, que les vns dient qu’il y mourut, les autres qu’il le contraignit de laiſſer ſon habit, & s’en aller hors du royaume de France. Quoy qu’il en ſoit, iamais depuis on ne le veid. Quand le prieur eſtima auoir vne telle priſe ſur ſœur Marie, s’en alla à la religion, ou l’abbeſſe eſtant faicte à ſa poſte, ne le cõtrediſoit en rien : & lá commença de vouloir vſer de ſon auctorité de viſiteur, & feit venir toutes les religieuſes l’vne apres l’autre, pour les ouïr en vne chambre en forme de cõfeſsion & viſitation. Et quand ce fut au rang de ſœur Marie, qui auoit perdu ſa bonne tante, il recommẽça à luy dire : ſœur Marie, vous ſçauez de quel crime vous eſtes accuſée, & que la diſsimulation que vous faictes d’eſtre tant chaſte ne vous a de rien ſeruy : car on cognoiſt biẽ, que vous eſtes tout le contraire. Sœur Marie luy reſpondit d’vn viſage aſſeuré : faictes moy venir celuy qui m’a accusée, & vous verrez ſi deuant moy il demeurera en ſa mauuaiſe opinion. Il luy diſt : Il ne vous fault autre preuue, puis que le confeſſeur meſme a eſté cõuaincu. Sœur Marie luy diſt : Ie le penſe ſi homme de bien, qu’il n’aura pas confeſsé telle meſchanceté, & menſonge : mais quand ainſi ſeroit, faictes le venir deuant moy, & ie prouueray le contraire de ſon dire. Le prieur, voyant qu’en nulle ſorte il ne la pouuoit eſtonner, luy diſt : Ie ſuis voſtre pere, qui pour ceſte cauſe deſire ſauuer voſtre honneur, partant ie remects ceſte verité à voſtre conſcience, à laquelle i’adiouſteray ſoy. Ie vous demande, & vous coniure ſur peine de peché mortel, de me dire verité. A ſçauoir ſi vous eſtiez vierge, quand vous fuſtes miſe

ceans.