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LA III. IOVRNEE DES NOVVELLES

iamais n’euſt eſté bruit que bien honorable, ſinon que vous l’auez trop toſt euenté, & faict ſortir vn ſcandale, qui monſtre aſſez l’ennuie que vous auez de mon deshõneur eſtre plus grande, que le vouloir de conſeruer l’honneur de voſtre maiſon, & de voz parens, ie ne doibs plorer. Mais puis qu’ainſi vous plaiſt, ma dame, ie ne ſuis pour vous contredire. Car quand vous me ordonnerez telle peine qu’il vous plaira, ie ne prendray moins de plaiſir de la ſouffrir ſans raiſon, que vous ferez à la me donner. Parquoy, ma dame, commãdez à monſieur mon pere quel tourment qu’il vous plaiſt que ie porte : car ie ſçay qu’il n’y fauldra pas, au moins ſeray-ie bien aiſe, que ſeulement pour mon malheur il ſuiue entierement voſtre volonté : & qu’ainſi qu’il a eſté negligẽt en mon bien, ſuiuãt voſtre vouloir, il ſera prompt en mon mal pour vous obeïr. Mais i’ay vn pere au ciel, lequel (ie ſuis ſeure) me donnera autant de patience, que ie me voy de grands maulx par vous preparez, & en luy ſeul i’ay ma parfaicte confiance. La Royne ſi courroucée qu’elle n’en pouuoit plus, commanda qu’elle fuſt emmenée de deuant ſes yeux, & miſe en vne chambre à part, ou elle ne peult parler à perſonne : mais on ne luy oſta point ſa gouuernante, par le moyen de laquelle elle feit ſçauoir au baſtard toute ſa fortune, & ce qu’il luy ſembloit qu’elle deuoit faire. Lequel, eſtimant que les ſeruices qu’il auoit faicts au Roy luy pourroient valoir de quelque choſe, ſ’en vint à luy en diligence à la court, & le trouua aux champs, auquel il compta la verité du faict, le ſuppliant qu’à luy (qui eſtoit pauure gentil-homme) vouluſt faire tant de bien d’appaiſer la Royne, en ſorte que le mariage peuſt eſtre conſomnmé. Le Roy ne luy reſpondit autre choſe, ſinon : m’aſſeurez vous que vous l’auez eſpouſée ? Ouy ſire, diſt le baſtard, par parolles de preſent ſeulement, & ſil vous plaiſt, la fin y ſera miſe. Le Roy baiſſa la teſte, & ſans luy dire autre choſe, ſ’en retourna droict au chaſteau, & quand il fut aupres de lá, il appella le capitaine de ſes gardes, & luy donna charge de prendre le baſtard priſonnier. Toutesfois vn ſien amy, qui cognoiſſoit le viſage du Roy, l’aduertit de ſ’abſenter, & ſe retirer en vne ſienne maiſon pres de lá, & ſi le Roy le faiſoit chercher (cõme il ſoupçonnoit) il luy feroit incontinent ſçauoir, pour ſ’enfuir hors du royaume : ſi auſsi les choſes eſtoient adoucies, il le mãderoit pour reuenir. Le ba-

ſtard le