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LA II. IOVRNEE DES NOVVELLES

Quant à moy, mes dames, ie ne voy point qu’autre choſe peuſt eſmouuoir le cueur du Roy à ſe hazarder ainſi ſeul contre vn homme tant eſtimé, ſinon qu’en laiſſant la compaignie & les lieux ou les Roys ne trouuent nul inferieur qui leur demande le combat, ſe voulut faire pareil à celuy qu’il doutoit à ſon ennemi, pour ſe contenter luy meſme de experimenter la bonté & hardieſſe de ſon cueur. Sans point de faute, diſt Parlamente, il auoit raiſon : car la louange de tous les hommes ne peut tant ſatisfaire vn bon cueur, que le ſçauoir & experience qu’il a ſeul des vertuz que Dieu a miſes en luy. Il y a lõg tẽps, diſt Guebron, que les poëtes & autres nous ont peinct pour venir au temple de renommée, qu’il falloit paſſer par celuy de vertu. Et moy, qui cognois les deux perſonnages dont vous auez faict le compte, ſçay bien veritablement que le Roy eſt vn des plus hardiz hommes qui ſoit en ſon royaume. Par ma foy, diſt Hircan, à l’heure que le Comte Guillaume vint en France, i’euſſe plus craint ſon eſpée, que celle des plus gentils compaignõs Italiens qui fuſſent en la court. Vous ſçauez bien, diſt Emarſuitte, qu’il eſt tant eſtimé que noz louanges ne ſçauroient atteindre à ſon merite, & que noſtre iournée ſeroit plus toſt paſſée que chacun en euſt dict ce qu’il luy en ſemble. Parquoy ma dame, dõnez voſre voix à quelqu’vn qui die encores du bien des hommes, s’il y en a. Oiſille diſt à Hircan : il me ſemble que vous auez tant accouſtumé de dire mal des femmes, qu’il vous ſera aiſé de nous faire quelque bon compte à la louange d’vn homme : parquoy ie vous donne ma voix. Ce me ſera choſe aisée à faire, diſt Hircan, car il y a ſi peu que lon m’a faict vn compte à la louange d’vn gentil-homme, dont l’amour & la fermeté, & la patience eſt ſi louable, que ie n’en doy laiſſer perdre la memoire.


Vne belle ieune dame experimente la foy d’vn ieune eſcolier ſon amy, auant que luy permettre aduantage ſur ſon honneur.


NOVVELLE