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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

D’auecques toy, ou il faict ſa demeure
Sans plus vouloir à moy tenir vne heure.
Si ie pouuois auoir par iuſte eſchange
Vn peu du tien pur & clair comme vn Ange,
Ie ne craindrois d’emporter la victoire,
Dont ton ſeul cueur en gaigneroit la gloire.
Or vienne donc ce qu’il en aduiendra,
I’en ay ietté le dé, lá ſe tiendra
Ma volonté ſans aucun changement.
Et pour mieux peindre au tien entendement
Ma loyauté, ma ferme ſeureté.
Ce diamant pierre de fermeté
En ton doigt blanc, ie te ſupplie prendre :
Par qui pourras trop plus qu’eureux me rendre.
Ce diamant ſuis celuy qui m’enuoye
Entreprenant ceſte doubteuſe voye,
Pour meriter par ſes œuures & faicts,
D’eſtre du rang des vertueux parfaicts,
A fin qu’vn iour il puiſſe auoir ſa place
Au deſiré lieu de ta bonne grace.


La dame leut l’epiſtre tout du long, & de tãt plus s’eſmerueilloit de l’affection du capitaine, & moins en auoit de ſoupçon. Et en regardant la table du diamant grand’ & belle, dont l’anneau eſtoit eſmaillé de noir, fut en grande peine de ce qu’elle auoit à faire. Et apres auoir reſué toute la nuict ſur ces propos, fut tres aiſe de n’auoir occaſion de luy reſcrire, & faire reſponce par faulte de meſſager, penſant en elle meſme qu’auec les peines qu’il portoit pour le ſeruice de ſon maiſtre, il n’auoit beſoing d’eſtre faſché de la mauuaiſe reſponſe qu’elle deliberoit de luy faire, laquelle elle remit à ſon retour. Mais elle ſe trouua fort empeſchée du diamant, car elle n’auoit point accouſtumé de ſe parer aux deſpens d’autres que de ſon mary. Parquoy elle qui eſtoit de bon entendement, penſa de faire profiter ceſt