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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

Ie l’ay voulu de ce papier oſter,
Craignant que point ne vouluſſe eſcouter
Ce ſot parler qui ſe monſtre en abſence,
Qui trop craintif eſtoit en ſa preſence :
Diſant, mieux vault en me taiſant mourir ;
Que de vouloir ma vie ſecourir,
Pour ennuier celle que i’aime tant,
Car de mourir pour ſon bien ſuis contant.
D’autre coſté ma mort pourroit porter
Occaſion de trop deſconforter
Celle pour qui ſeulement i’ay enuie,
De conſeruer ma ſanté & ma vie,
Ne t’ay-ie pas, ô ma dame, promis,
Que mon voiage à fin heureuſe mis,
Tu me verrois deuers toy retourner,
Pour ton mari auec toy emmener,
Au lieu ou tant as de deuotion,
Pour prier Dieu ſur le mont de Sion.
Si ie me meurs nul ne t’y menera,
Trop de regret ma mort te donnera,
Voiant à rien tourner noſtre entreprinſe,
Qu’auecques tant d’affection as prinſe.
Ie viuray donq’ & lors t’y meneray,
Et en bref temps à toy retourneray.
La mort pour moy eſt bonne à mon aduis,
Mais ſeulement pour toy ſeule ie vis.
Pour viure donc il me fault alleger
Mon pauure cueur, & du faiz ſoulager,
Qui eſt à luy & à moy importable,
De te monſtrer mon amour veritable :
Qui eſt ſi grande & ſi bonne & ſi forte,

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