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LA II. IOVRNEE DES NOVVELLES

les en croy à leur ſerment. Hircan iura quant à luy, qu’il n’auoit iamais aimé femme hors miſe la ſienne, à qui il ne deſiraſt faire offencer Dieu bien lourdement. Et autant en diſt Simontault, & adiouſta qu’il auoit ſouuent ſouhaitté toutes les femmes meſchantes, hors mis la ſienne. Guebron luy diſt : Vrayement vous meritez que la voſtre ſoit telle, que vous deſirez les autres : mais quant à moy ie puis bien iurer que i’ay tant aimé vne femme, que i’euſſe mieux aimé mourir, que pour moy elle euſt fait choſe dõt ie l’euſſe moins eſtimée. Car mon amour eſtoit tant fondé en ſes vertuz, que pour quelque bien que i’en euſſe ſceu auoir, ie n’y euſſe voulu veoir vne tache. Saffredẽt ſe print à rire, en luy diſant : Ie penſois Guebron, que l’amour de voſtre femme, & le bon ſens que vous auez, vous euſſent mis hors d’eſtre amoureux, mais ie voy bien que non, car vous vſez encores des termes dont nous auons accouſtumé de tromper les plus fines, & d’eſtre eſcoutez des plus ſages. Car qui eſt celle qui nous fermera ſes aureilles, quand nous commencerons à l’honneur & à la vertu ? Mais ſi nous leur monſtrions noſtre cueur tel qu’il eſt, il y en a beaucoup de bien venuz entre les dames, de qui elles ne tiendroiẽt compte. Nous couurons noſtre diable du plus bel Ange, que nous pouuons trouuer : Et ſoubs ceſte couuerture, auant que d’eſtre cogneuz receuons beaucoup de bonnes cheres. Et peult eſtre tirons les cueurs des dames ſi auant, que penſans aller droit à la vertu, quand elles cognoiſſent le vice, elles n’ont le moyen ny le loiſir de retirer leurs pieds. Vrayement diſt Guebron, ie vous penſois autre que vous ne dictes, & que la vertu vous feuſt plus plaiſante que le plaiſir. Comment ? diſt Saffredent, eſt il plus grande vertu que d’aimer cõme Dieu l’a cõmandé ? Il me ſemble que c’eſt beaucoup mieux fait d’aimer vne fẽme, cõme femme, que d’en idolatrer cõme pluſieurs autres. Et quãt à moy, ie tiẽs ceſte opiniõ ferme, qu’il vault mieux en vſer, que d’en abuſer. Les dames furent toutes du coſté de Guebron, & contraignirent Saffredent de ſe taire. Lequel diſt : Il m’eſt bien aisé de n’en plus parler, car i’en ay eſté ſi mal traicté, que ie n’y veux plus retourner. Voſtre malice, ce luy diſt Longarine, eſt cauſe de voſtre mauuais traictement : car qui eſt l’honneſte femme qui vous voudroit pour ſeruiteur, apres les propos que nous auez tenuz ? Celles qui ne

m’ont