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MÉMOIRES

cipal dessein, n’en voulant point tant aux huguenots qu’aux princes du sang, portoient impatiemment que le Roy mon mary et le prince de Condé fussent demeurez. Et congnoissant qu’estant mon mary, que nul ne voudroit attenter contre luy, ils ourdissent une autre trame. Ils vont persuader à la Royne ma mere qu’il me falloit desmarier. En cette resolution estant allée un jour de feste à son lever, que nous debvions faire noz Pasques, elle me prend à serment de luy dire vérité, et me demande si le Roy mon mary estoit homme, me disant que si cela n’estoit, elle auroit moyen de me desmarier. Je la suppliay de croyre que je ne me cognoissois pas en ce qu’elle me demandoit (aussi pouvois-je dire lors à la verité comme cette Romaine, à qui son mary se courrouçant de ce qu’elle ne l’avoit adverty qu’il avoit l’haleine mauvaise, luy respondit qu’elle croyoit que tous les hommes l’eussent semblable, ne s’estant jamais approchée d’aultre homme que de luy) ; mais quoy que ce fust, puis qu’elle m’y avoit mise, j’y voulois demeurer ; me doutant bien que ce qu’on vouloit m’en separer estoit pour luy faire un mauvais tour…

Nous accompagnasmes le roy de Pologne jusques à

    pense, on ne saurait admettre l’assertion de ceux qui prétendent que la reine de Navarre sauva son époux, en le cachant sous son vertugadin. Il n’était permis qu’à un poëte de dire :

    Fameux vertagadin d’une charmante Reine,
    Tu défends un honneur qui se défend sans peine ;
    Mais ta gloire est plus grande en un plus noble emploi,
    Tu sauves un héros en recélant mon Roi.