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MÉMOIRES

ma mere estants ensemble, je m’approche d’eux, et leur dis que je les suppliois ne trouver mauvais si je les requerois avoir agreable que j’allasse trouver le Roy mon mary ; que la paix estant faicte, c’estoit chose qui ne leur pouvoit estre suspecte, et qu’à moy, me seroit prejudiciable et mal séant, si je demeurois davantage à y aller. Ils monstrent tous deux de le trouver tres-bon, et de louer la volonté que j’en avois ; et la Royne ma mere me dit qu’elle vouloit m’y accompagner, estant aussy son voiage necessaire en ce païs-là pour le service du Roy, auquel elle dit aussy qu’il falloit qu’il me baillast des moyens pour mon voiage ; ce que le Roy librement m’accorda. Et moy, ne voulant rien laisser en arrière qui me peust faire revenir à la cour (ne m’y pouvant plus plaire lors que mon frere en seroit dehors, que je voyois se preparer pour s’en aller bientost en son entreprise de Flandre), je suppliay la Royne ma mere de se convenir de ce qu’elle m’avoit promis, à la paix faicte avec mon frere : qu’advenant que je partisse pour m’en aller en Gascongne, elle me feroit bailler des terres pour l’assignat de mon dot. Elle s’en ressouvient, et le Roy le trouve tres-raisonnable, et me promet qu’il seroit faict. Je le supplie que ce soit promptement, pour ce que je desirois partir, s’il luy plaisoit, pour le commencement du mois prochain : ce qui fust ainsi arresté, mais à la façon de la cour ; car au lieu de me depescher, bien que tous les jours je les en sollicitasse, ils me firent traisner cinq ou six mois, et mon frere de mesme, qui pressoit aussy son voiage de Flandre, re-