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DE MARGUERITE DE VALOIS.

quelques trouppes huguenotes avoient dessein de m’attaquer entre la frontière de Flandre et de France ; ce que n’ayant communicqué qu’à peu de personnes, une heure avant le jour je fus preste. Envoyant querir nos lictieres et chevaulx pour partir, le chevalier Salviati faisoit le long, comme il avoit faict à Liege. Ce que cognoissant qu’il faisoit à dessein, je laisse là ma lictiere, et montant à cheval, ceux qui feurent les premiers prests me suivirent ; de sorte que je fus au Chastelet à dix heures du matin, ayant, par la seule grace de Dieu, eschappé toutes les embusches et aguets de mes ennemys. De là allant chez moy à La Fere, pour y sejourner jusques à tant que je sçaurois la paix estre faicte, j’y trouvay arrivé devant moy un courrier de mon frere, qui avoit charge de m’attendre là pour, soudain que je serois arrivée, retourner en poste et l’en advertir. Il escrivoit par luy que la paix estoit faicte, et que le Roy s’en retournoit à Paris ; que pour luy, sa condition alloit tousjours en empirant, n’y ayant sorte de desfaveurs et indignitez que l’on ne fist tous les jours esprouver et à luy et aux siens, et que ce n’estoit tous les jours que querelles nouvelles, que l’on suscitoit à Bussy et aux honnestes gens qui estoient avec luy ; ce qui luy faisoit attendre avec extresme impatience mon retour à La Fere, pour m’y venir trouver. Je luy redepesche soudain son homme, par lequel, adverty de mon retour, il envoya soudain Bussy avec toute sa maison à Angers ; et prenant seulement quinze ou vingt hommes des siens, s’en vinst