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MÉMOIRES

sieur de Fleurines nous venoit trouver de la part du comte de Lalain, pour me faire seurement passer par les villes des Estats, ne pouvant quicter l’armée des Estats, de laquelle il estoit chef, pour me venir accompaigner. Ce bon rencontre fust si heureux que, le maistre de la maison s’offrant de m’accompagner jusques en France, nous ne passasmes plus par aulcunes villes où je ne fusse honnorablement et paisiblement receue, pource que c’estoit païs des Estats ; y recepvant ce seul desplaisir que je ne pouvois repasser à Mons, comme j’avois promis à la comtesse de Lalain, et n’en approchois pas plus pres que de Nivelles, qui estoit à sept grandes lieues de là ; qui fust cause, la guerre estant si forte comme elle estoit, que nous ne nous peusmes voir elle et moy, ny aussy peu monsieur le comte de Lalain, qui estoit, comme j’ay dict, en l’armée des Estats vers Anvers. Je luy escrivis seulement de là par un homme de ce gentil-homme qui me conduisoit. Elle soudain, me sçachant là, m’envoye deux des gentilshommes plus apparens qui fussent demeurez là, pour me conduire jusques à la frontiere de France (car j’avois à passer tout le Cambresis, qui estoit my-party pour l’Espagnol et pour les Estats) ; avec lesquels j’allay loger au Chasteau Cambresis, d’où eux s’en retournans, je luy envoyay, pour se souvenir de moy, une robbe des miennes, que je luy avois ouy fort estimer quand je la portois à Mons, qui estoit de satin noir toute couverte de broderie de canon, qui avoit cousté douze cens escus.

Arrivant au Chasteau Cambresis, j’eus advis que