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MÉMOIRES

Barlemont estant entré, luy et l’agent Du Bois font ce qu’ils peuvent pour me persuader d’aller à Namur où dom Juan m’attendoit. Je monstre de vouloir faire ce qu’on me conseilleroit, et, apres avoir ouy la messe et faict un disner court, je sors de mon logis accompagnée de deux ou trois cens de la ville en armes, et parlant tousjours à monsieur de Barlemont, et à l’agent Du Bois, je prens mon chemin droict à la porte de la riviere, qui estoit au contraire du chemin de Namur, sur lequel estoit la trouppe de monsieur de Barlemont. Eux s’en advisans, me dirent que je n’allois pas bien, et moy, les menant tousjours de paroles, j’arrivay à la porte de la ville ; de laquelle sortant, accompagnée d’une bonne partie de ceux de la ville, je double le pas vers la riviere et monte dans le batteau, y faisant promptement entrer tous les miens ; monsieur de Barlemont et l’agent Du Bois me criants tousjours du bord de l’eaue que je ne faisois pas bien ; que ce n’estoit poinct l’intention du Roy, qui vouloit que je passasse par Namur. Nonobstant leurs crieries, nous passons promptement l’eaue, et pendant que l’on passoit, à deux ou trois voyages, nos lictieres et nos chevaux, ceux de la ville, expres pour me donner temps, amusent par mille crieries et mille plainctes monsieur de Barlemont et l’agent Du Bois, les arraisonnans en leur patois sur le tort que dom Juan avoit, d’avoir faulsé sa foy aux Estats et rompu la paix, et sur les vieilles querelles de la mort du comte d’Egmont, et le menaçant tousjours que si sa trouppe paroissoit aupres de la ville, qu’ils feroient tirer l’artillerie. Ils me donnerent