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DE MARGUERITE DE VALOIS.

mesme au bal ou dessus l’eau, avec musique. Six sepmaines s’escoulerent de la façon, qui est le temps ordinaire que l’on a accoustumé de prendre des eaues, et qui estoit ordonné à madame la princesse de La Roche-sur-Yon.

Voulant partir pour retourner en France, madame d’Havrech arriva, qui s’en alloit retrouver son mary en Lorraine, qui nous dist l’estrange changement qui estoit advenu à Namur et en tout ce pays-là, depuis mon passage ; que le jour mesme que je partis de Namur, dom Juan, sortant de mon batteau et montant à cheval, prenant prétexte de vouloir aller à la chasse, passa devant la porte du chasteau de Namur, lequel il ne tenoit encore ; et feingnant par occasion, s’estant trouvé devant la porte, de vouloir entrer pour le voir, s’en estoit saisy, et en avoit tiré le cappitaine que les Estats y tenoient, contre la convention qu’il avoit avec les Estats, et oultre ce s’estoit saisi du duc d’Arscot, de monsieur d’Havrech et d’elle ; que toutesfois, apres plusieurs remonstrances et prieres, il avoit laissé aller son beau frere et son mary, la retenant, elle, jusques alors pour luy servir d’ostage de leurs deportements ; que tout le païs estoit en feu et en armes. Il y avoit trois partis : celuy des Estats, qui estoient des catholiques de Flandre ; celuy du prince d’Orange et des huguenots, qui n’estoient qu’un, et celuy d’Espaigne, où commandoit dom Juan. Me voyant tellement embarquée qu’il falloit que je passasse entre les mains des uns et des aultres, et mon frere m’ayant envoyé un gentil-homme nommé Lescar, par lequel il m’escrip-