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DE MARGUERITE DE VALOIS.

les eglises ornées de tant de marbre (qui se tire pres de là), qu’elles en paroissent toutes ; les horologes faictes avec l’industrie d’Allemaigne, chantans et representans toute sorte de musique et de personnages. L’evesque m’ayant receue sortant de mon batteau, me conduisit en son plus beau palais, tres-magnifique, d’où il s’estoit delogé pour me loger ; qui est, pour une maison de ville, le plus beau et le plus commode qui se puisse voir, accompaigné de tres-belles fontaines, et de plusieurs jardins et galleries ; le tout tant peinct que doré, accommodé avec tant de marbre, qu’il n’y a rien de plus magnifique et plus delicieux.

Les eaues de Spa n’estants qu’à trois ou quatre lieues de là, n’y ayant aupres qu’un petit village de trois ou quatre meschantes petites maisons, madame la princesse de La Roche-sur-Yon fust conseillée par les medecins de demeurer à Liege, et d’y faire apporter son eaue, l’asseurant qu’elle auroit aultant de force et de vertu estant portée la nuict, avant que le soleil fust levé. De quoy je fus fort ayse, pour faire nostre sejour en lieu plus commode et en si bonne compagnie ; car oultre celle de Sa Grace (ainsy appelle-t-on l’evesque de Liege, comme on appelle un roy Sa Majesté, et un prince Son Altesse), le bruit ayant couru que je passois par là, plusieurs seigneurs et dames d’Allemaigne y estoient venus pour me voir, et entre aultres madame la comtesse d’Aremberg[1] (qui est celle qui avoit eu l’hon-

  1. Marguerite de La Marck, veuve de Jean de Ligne, comtesse souveraine d’Aremberg.