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DE MARGUERITE DE VALOIS.

seulement de vingt ou trente chevaulx, ayant avec luy de seigneurs : le duc d’Arscot, monsieur d’Havrech[1], le marquis de Varembon[2], et le jeune Balançon[3], gouverneur pour le roy d’Espagne du comté de Bourgongne, qui, galands et honnestes hommes, estoient venus en poste pour se trouver là à mon passage. Des domestiques de dom Juan, n’y en avoit de nom ny d’apparence qu’un Ludovic de Gonzague, qui se disoit parent du duc de Mantoue[4]. Le reste estoit de petites gens de mauvaise mine, n’y ayant nulle noblesse de Flandre. Il mit pied à terre pour me saluer dans ma littiere, qui estoit relevée et toute ouverte : je le saluay à la françoise, luy, le duc d’Arscot, et monsieur d’Havrech. Apres quelques honnestes paroles, il remonta à cheval, parlant tousjours à moy jusques à la ville, où nous ne peusmes arriver qu’il ne feust soir, pour ne m’avoir les dames de Mons permis de partir que le plus tard qu’elles peurent ; mesmes m’ayants amusée dans ma littiere plus d’une heure à la considerer, prenants un extreme plaisir à se faire donner l’intelligence des devises. L’ordre toutesfois fust si beau à Namur (comme les Espagnols sont excellens en cela), et la ville si esclairée, que les fenestres et boutiques estans pleines de lumieres, l’on voioit luire un nouveau jour.

  1. Charles-Philippe de Croy, marquis d’Havrech, fils de Philippe II, sire de Croy, duc d’Arschot.
  2. Marc de Rye, marquis de Varembon, qui fut plus tard chevalier de la Toison d’Or et gouverneur général d’Artois.
  3. Philibert de Rye, comte de Varaix, baron de Balançon.
  4. C’est peut-être Ludovic de Gonzague, surnommé le Rodomont, seigneur de Sabionetta.