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DE MARGUERITE DE VALOIS.

secours vous soit plus utile, pour vous estre si voisin, et avoir un si grand royaume que celuy de France à sa dévotion ; duquel il peut tirer hommes et moyens, et toutes commoditez nécessaires à cette guerre. Et, s’il recepvoit ce bon office de monsieur le comte vostre mary, vous vous pouvez asseurer qu’il auroit telle part à sa fortune qu’il voudroit : mon frere estant d’un naturel doux, non ingrat, qui ne se plaist qu’à recognoistre un service ou un bon office reçeu. Il honnore et cherit les gens d’honneur et de valeur : aussi est-il suivy de tout ce qui est de meilleur en France. Je croys que l’on traictera bientost d’une paix en France avec les huguenots, et qu’à mon retour en France je la pourray trouver faicte ; si monsieur le comte vostre mary est en cecy de mesme opinion que vous et de mesme volonté, qu’il advise s’il veult que j’y dispose mon frere, et je m’asseure que ce païs, et vostre maison en particulier, en recepvra toute felicité. Que si mon frere s’establissoit par vostre moien icy, vous pourriez croire que vous m’y reverriez souvent, estant nostre amitié telle qu’il n’y en eust jamais, de frère à sœur, si parfaicte. » Elle reçoit avec beaucoup de contentement cette ouverture, et me dit qu’elle ne m’avoit pas parlé de cette façon à l’adventure ; mais, voyant l’honneur que je luy faisois de l’aimer, elle avoit bien résolu de ne me laisser partir de là qu’elle ne me descouvrist l’estat auquel ils estoient, et qu’ilz ne me requissent de leur apporter du costé de France quelque remede, pour les affranchir de la crainte où ilz vivoient, de se voir en une perpe-