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DE MARGUERITE DE VALOIS.

delibera de me voir le plus longtemps qu’il pourroit, et de m’accompagner tant que je serois en Flandres ; et pour cet effect demanda congé à son maistre de venir avec moy jusques à Namur, où dom Jean d’Austriche m’attendoit, disant qu’il desiroit de voir les triomphes de cette réception. Ce Flament espagnolisé, fust neantmoins si mal advisé de le luy permettre. Pendant ce voyage ; qui dura dix ou douze jours, il me parla le plus souvent qu’il pouvoit, monstrant ouvertement qu’il avoit le cœur tout François, et qu’il ne respiroit que l’heur d’avoir un si brave prince que mon frère pour maistre et seigneur, mesprisant la subjection et domination de son evesque, qui, bien qu’il fust son souverain, n’estoit que gentil-homme comme luy, mais beaucoup son inferieur aux qualitez et graces de l’esprit et du corps.

Partant de Cambray, j’allay coucher à Valenciennes, terre de Flandres, où monsieur le comte de Lalain[1], monsieur de Montigny[2] son frere, et plusieurs aultres seigneurs et gentils-hommes jusques au nombre de deux ou trois cens vindrent au devant de moy pour me recepvoir au sortir des terres de Cambresys, jusques où l’evesque de Cambray m’avoit conduicte. Estant arrivée à Valenciennes ; ville qui cede en force à Cambray, et non en l’ornement des belles places et belles eglises, où les fontaines et les horloges, avec industrie propre

  1. Philippe, comte de Lalain, baron d’Escornaix, grand-bailli de Hainaut.
  2. Emmanuel de Lalain, baron de Montigny, chevalier de la Toison d’Or, marié à Anne de Croy, marquise de Renty et de Chièvres.