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DE MARGUERITE DE VALOIS.

bray, qui estoit lors terre de l’Eglise et pays souverain, qui ne recognoissoit le roy d’Espaigne que pour protecteur, m’envoya un gentil-homme pour sçavoir l’heure à laquelle je partirois, pour venir au devant de moy jusques à l’entrée de ses terres, où je le trouvay tres-bien accompagné, mais de gens qui avoient les habits et l’apparence de vrais Flamands, comme ils sont fort grossiers en ce quartier-là. L’evesque estoit de la maison de Barlemont, une des principales de Flandres, mais qui avoit le cœur espaignol, comme ils ont monstré, ayants esté ceux qui ont le plus assisté dom Jean. Il ne laissa de me recepvoir avec beaucoup d’honneur, et non moins de ceremonies espagnoles. Je trouvay cette ville de Cambray, bien qu’elle ne soit bastie de si bonne estoffe, que les nostres de France, beaucoup plus agreable, pour y estre les rues et places beaucoup mieux proportionnées, et disposées comme elles sont, et les églises tres-grandes et belles, ornement commun à toutes les villes de Flandres. Ce que je recognus en ceste ville d’estime et de remarque, fust la citadelle, des plus belles et des mieux achevées de la chrestienté ; ce que depuis elle fit bien esprouver aux Espagnols, estant soubs l’obeissance de mon frere. Un honneste homme, nommé monsieur d’Ainsi[1], fils du comte de Frezin, en estoit lors gouverneur, lequel en grace, en apparence, et en toutes belles parties requises à un parfaict cavalier, n’en debvoit rien à nos plus parfaits courtisans, ne participant

  1. Baudouin de Gavre, sieur d’Inchy. (Histoire de Cambray, t. I, p. 181.)