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LE MARI PASSEPORT

pantalons bois de rose. Et ses pieds sont chaussés d’incroyables souliers rouge sang, assortis au tarbouche, également écarlate, que complète une tête de condor, au crâne parfaitement rasé. Ce costume sensationnel ne frappe pas tellement ici. Les couleurs et les vêtements de toutes sortes abondent, dominés par des coloris de pastel légers, aériens, portés par les Hindous.

Une « launch » du « Dandolo » aborde, battant pavillon italien. Nous embarquons, il n’y a guère autour de nous de choses méritant le nom de « bagages ». C’est bien plutôt un déménagement de romanichels : ballots cousus et sacs d’étoffe, paniers contenant batterie de cuisine, casseroles noircies, poêles, primus et autres objets sans gloire s’y entassent en un étonnant bric-à-brac… Toute cette ferraille chante la pauvreté de ce modeste monde.

Nous franchissons la passerelle qui conduit à bord. Nous voilà parqués comme du bétail, à l’avant. Nous prenons place parmi un amas de toile puant la graisse et le goudron, des treuils décrépis, des cordages usés. Il y a quatre jours de traversée. Il nous faudra vivre ce laps dans ce capharnaüm. Soleiman, bénévole, me conseille d’aller me joindre aux femmes. J’y vais, je tente de converser avec l’une d’elles qui me paraît accueillante. Vains efforts, je puis juste comprendre qu’une femme s’appelle Zeînab, comme moi. Mon homonyme est une grande bringue aux yeux chassieux et perçants, au teint mat. Elle est drapée dans un sari noir, brodé d’or, mais sale, dégoûtant, effiloché en bas et poussiéreux. Son enfant est dissimulé dans un sordide amas de chiffons. Comme je réponds affirmativement, au hasard, à une de ses phrases, elle me pose le bébé sur les genoux. J’ai horreur de ce paquet malodorant. Lui-