permettre de rejoindre la Mecque avant midi.
Je suis navrée d’avoir trois jours à passer ici, j’eusse été plus heureuse de les vivre à Jérusalem avec mes si aimables amis.
Je fuis notre misérable hôtel. Port-Tewfik, où habite le personnel du canal, étale ses façades en bordure de la mer, à l’ombre de grands arbres. C’est la seule promenade ombragée de Suez. Une longue route droite de cinq kilomètres relie cette ville moderne à l’ancienne cité arabe. Au milieu passe la voie ferrée qui fait tout le jour la navette entre Suez proprement dite et Port-Tewfik.
Assise sous les tamaris et les eucalyptus, face à la mer, je lis la vie de Mahomet. J’accepte, un matin, l’invitation d’un marin qui m’offre de l’accompagner à la pêche. Je passe mes soirées avec Soleiman, nous nous donnons mutuellement des leçons de français et d’arabe. Il veut apprendre à lire sa propre langue ; chaque fois qu’il reconnaît une lettre, un rire fou d’enfant heureux le secoue. J’essaye tous les petits restaurants arabes, j’enlève mon voile selon les circonstances. Toujours en Européenne, je passe à la Compagnie de navigation, où, d’un petit air dégagé, je déclare :
— Je viens encore, vous le savez, chercher les billets de ce pauvre Arabe qui veut aller en pèlerinage avec sa femme bédouine, il n’arrive pas à se débrouiller seul.
Une fois, on me demande insidieusement si ce n’est pas précisément moi qui veux partir ? Je m’étonne.
— Vous n’y pensez pas, une Européenne ne peut entrer dans ces pays.
Et je m’en vais encore sans avoir les billets.
Notre dernière nuit de Suez comporte un incident comique.