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LE MARI PASSEPORT

Et il s’endort en murmurant : « Taben, cherol, fatigué, travail… »

Le trajet est long et monotone, du sable, toujours du sable, un paysage aride qu’égaient au début les kilomètres de plantations d’orangers impeccablement alignés, aux feuilles larges et si luisantes qu’elles semblent vernies.

C’est la colonisation juive qui règne ici. Seule, la patience de la race élue a pu lui permettre de transformer le désert et de vaincre une nature inexorable, devant laquelle des générations d’hommes avaient reculé. Une irrigation méthodique, savante, obstinée dans les déboires et finalement triomphante, a changé cette terre désertique en jardin. Les habitants sont groupés, le propriétaire ou le directeur de la plantation fait office de patriarche. Autour d’une ferme centrale, la main-d’œuvre est réunie dans de petites maisonnettes de tôle ondulée.

À chaque station, le nom de la ville est indiqué en hébreu, en arabe et en anglais. Des hommes et des enfants en guenilles offrent de magnifiques oranges sans pépins, des figues, du lait de chèvre en de petites urnes de grès noir, des œufs durs et aussi des fleurs.

Soleiman voudrait tout acheter, il est d’une maladive gourmandise. Je lui accorde parfois un de ces plaisirs, mais je voudrais cesser de le voir fumer pour qu’il ne crache plus. Heureusement le tabac sera interdit quand nous serons dans les pays où règne Ibn Séoud. Kantara, la douane. Supplice des voyages. Ce poste frontière est particulièrement désagréable. Tous mes amis et moi-même y avons toujours eu des ennuis.

Nous n’avons qu’un visa de transit, donc nous sommes suspects. On nous confisque l’argent que nous portons, avec promesse de nous le rendre à