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PASSEPORT

vu cette monnaie, reste muet et immobile, se contentant de regarder fièrement autour de lui. Je prends l’argent. Mais les employés ne l’entendent pas de cette oreille. Ils demandent à Soleiman s’il m’autorise à détenir son bien. Tout le monde le regarde avec respect, M. Gabbour l’accable sans cesse du titre d’émir.

Alors, magnifiquement, Soleiman relève son habaye brun et or et, inclinant la tête de mon côté, articule en français :

— Secrétaire moi.

Le personnel de la banque en reste pantois. Quoi, un émir avec une secrétaire européenne et une suite, Mme  Amoun, M. Gabbour, etc… Cela fait un tel effet qu’une heure après, cinq reporters envahissent l’hôtel pour connaître l’identité de ce prince fastueux. M. Gabbour, diplomatiquement, les congédie avec mille politesses. Et nous avons enfin la paix. Cependant, trois jours passent sans nouvelles de la Compagnie. Je téléphone à Suez qui répond : « Pas de passeport. »

Allons-nous sombrer si près du port ? Où est-il ? Il faut qu’il soit au Caire, puisque là seulement est un consulat nedjien. Téléphone encore, télégramme, affolement… Et, le surlendemain, alors que le désespoir commence à m’envahir, la Compagnie nous apporte la pièce tant désirée.

Il est neuf heures. Nous sommes au 28 mars. Un bateau quitte, paraît-il, Suez le 29. Le train pour Suez vient de partir. En auto on pourrait le rattraper à l’embranchement de Lidd. Il est vrai que, si nous avons le visa nedjien, il nous manque l’égyptien. Or une récente ordonnance du roi Fouad impose huit jours pour l’obtention du visa égyptien.

Un suprême effort cependant est possible. M. Gab-