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LE MARI PASSEPORT

des occupations constantes. Or il somnolait toujours. Il me fallait le secouer pour qu’il se souvînt d’une démarche urgente. Il répondait d’ailleurs aussitôt :

— Vas-y toi-même ! je suis tellement fatigué et tu es tellement plus habile !

Ces coups d’encensoir ne prenaient guère, d’autant plus que dans bien des circonstances je ne pouvais paraître sans risquer de sortir de mon rôle de Bédouine.

— Moi, fatigué, beaucoup, moi, répétait-il en français.

Et notre séjour se prolongeait ainsi à Jérusalem au delà des limites supposables. De telle sorte que nous fûmes bientôt à court d’argent. Nous avions combiné le côté financier de notre voyage avec beaucoup de soin. Pèlerins, nous ne pouvions emporter plus de trente livres chacun, c’est la loi. Mais nous avions fait à la Banque Misr, de Beyrouth, des chèques de vingt-cinq livres au nom de Soleiman et qu’il serait possible de toucher au Hedjaz. Lui seul serait en mesure de le faire là-bas, car la femme n’y a aucune capacité. En outre, nous avions remis une grosse somme d’or à un ami de Soleiman, à Damas. Nous devions retrouver cet homme à Oneiza, où il se rendait à chameau à travers le désert. Pour le moment, il fallait toucher de l’argent ici, sur les chèques à l’ordre de Soleiman. Comme le pauvre diable ne savait ni lire ni écrire et ne possédait même plus le passeport contenant ses empreintes digitales, il devenait indispensable de trouver deux témoins pour garantir son identité.

M. Gabbour consent à jouer ce rôle. Je m’habille à l’européenne pour signer comme second témoin.

Nous voilà à la Banco di Roma. Les formalités terminées, on pousse devant Soleiman une liasse de billets de banque. Mon Bédouin, qui n’a jamais