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LE MARI PASSEPORT

affaires. Il plaisantait sur la frivolité de sa « femme Zeînab ».

Peu après, on nous vaccina contre la variole, le choléra, le typhus et la peste. C’est de rigueur pour tous les pèlerins. M. Gabbour eut alors l’idée de demander, devant Soleiman, à voir les vaccins qu’on m’avait faits au-dessus du genou, ce dans le but de pousser un peu mon Bédouin hors de ses gonds.

La plaisanterie était d’assez mauvais goût, mais cela divertissait tellement M. Gabbour que j’acceptai. Nous dînons et faisons ensuite signe à Soleiman de venir prendre le café avec nous. M. Gabbour, avec sérieux et componction, commence à l’interroger sur la tribu dont il est émir, sur ses troupeaux et ses intérêts dans le désert. Soleiman mentait avec aisance et dignité. Il parla d’abondance de ses immenses troupeaux, des transactions de chameaux qu’il réalisait par milliers, et son orgueil s’épanouit largement. M. Gabbour le fait parler sans répit. Soleiman, grisé, s’en donne à cœur joie d’inventer des détails toujours plus mirifiques. Enfin, on le questionne sur les formalités à remplir pour partir :

— Tout est fini, on nous a vaccinés aujourd’hui.

Gabbour glisse sur la pente offerte.

— Zeînab aussi ?

Je réponds :

— Bien sûr, tenez, voilà justement la marque de mes vaccins ! Et, joignant le geste à la parole, je relève ma jupe au-dessus du genou…

Cette fois Soleiman voit rouge. Il se lève, hors de lui, et me prend par le bras. Nous rentrons dans notre chambre où il formule des plaintes et des reproches à foison. Il voit bien que je m’amuse souvent à ses dépens. Mais une chose pareille, en public, dépasse la mesure. Il pérore :