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CONVERSION

rangé, nous allons avoir les passeports dans trois jours ; la compagnie a envoyé le mien au Caire, au Consulat nedjien, pour y faire ajouter ton nom comme mon épouse. La compagnie de navigation a vendu ses billets pour le pèlerinage comme à n’importe quel couple nedjien.

La solution me paraît bonne, mais je suis tout de même inquiète à l’idée qu’il s’est peut-être fait rouler par cette agence de voyage, qui voulait naturellement lui fournir deux passages. De toute façon, il a agi avec une inconscience totale, en se démunissant de son passeport.

Nous rentrons le lendemain à Haïfa. Trajet ravissant dans la lumière du soir. Soleiman ne dit pas un mot, somnolent dans un coin, comme une marmotte.

Au moment où je paie le chauffeur, avec lequel j’avais convenu d’un prix de trois livres palestiniennes, Soleiman me jette d’un air souverain :

— Donne lui une livre de pourboire.

Sans tenir compte de son arrogance et de son ton de commandement, je glisse dans la main du chauffeur quelques piastres, pourboire en proportion avec la somme totale. Le chauffeur, ayant entendu Soleiman, nous suit dans l’escalier. Soleiman, avec emphase, donne l’ordre à l’hôtelier de payer cette somme. Je me retourne en colère, interdisant au patron de le faire parce que c’est moi qui commande. Mais ce dernier, encouragé par les gestes et les clins d’œil de Soleiman, après quelques hésitations, remet en cachette cet argent au chauffeur, pensant que je ne le remarquerais pas. J’ai vu le geste, j’éclate, je me fâche comme jamais on n’a dû voir une femme musulmane se fâcher, et dis à l’hôtelier :

— Tu ne seras pas payé et je quitte l’hôtel à