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LE MARI PASSEPORT

écrivant nous-mêmes, en arabe, sur le passeport de Soleiman : « Zeïnab, bent Mohamed ».

« Zeïnab, fille de Mohamed. »

Les femmes arabes ne paraissent pas devant les Consuls et, ne donnant ni photo, ni autre pièce d’identité, cela doit réussir. Les Bédouins du désert n’ont pas d’acte de mariage. Pourquoi ne pas essayer ?

Soleiman, devant les démarches incessantes auxquelles nous nous livrons depuis deux semaines, ne m’a-t-il pas dit cent fois : « Les Bédouins ne font jamais un papier pour se marier ; lorsqu’on est d’accord sur le prix d’une femme, c’est fini. »

Qu’il se présente donc au Consulat et à la Compagnie de Navigation comme Bédouin avec sa femme bédouine, sans contrat, et le tour est joué.

Je désire également me documenter sur les dates de départ des bateaux pour Djeddah, ligne peu fréquentée en dehors des services spéciaux du pèlerinage. La lenteur et les tergiversations de Soleiman, auquel il manque toujours des cigarettes et un café chez le kawagi du coin, retardent notre départ, tant et si bien que nous arrivons à Jérusalem pour assister à la fermeture du Consulat d’Égypte. Je franchis la porte du premier hôtel venu et ne lui cache pas mon mécontentement auquel il se soustrait lâchement en s’éclipsant.

Il revient tout gêné dans l’après-midi et répond avec dignité à ma demande d’explication sur sa conduite :

— Madame, n’as-tu pas vu que tout le monde est juif, dans cet hôtel ?

— Imbécile, comment sais-tu que les gens sont juifs, dans cet hôtel ? Tu ne sais pas mieux reconnaître que moi.

— Allah soit loué, sois contente, Madame, reprend-il pour changer la conversation, tout est ar-