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LE MARI PASSEPORT

notre chambre, fumant son narguilé et crachant sur le carrelage. Nous parlons d’un lit à l’autre et j’apprends ainsi à connaître les traits dominants de son caractère : orgueil, vantardise, paresse, cupidité. Il se figure qu’il pourra jouir de toute ma fortune qu’il suppose immense. Il aime à parler d’argent, à évaluer la situation qu’il aura à Palmyre lors de son retour. J’ai beau lui répéter que je tiendrai strictement le contrat verbal intervenu au moment du départ, il a l’audace de me dire un soir :

— Tu m’achèteras une Buick, n’est-ce pas ? dès notre retour en Syrie et puis nous irons en France. Chez qui habiterons-nous à Paris ?

— Je descendrai chez mon frère qui a un caractère beaucoup plus violent que mol.

Soleiman a peur et marmotte qu’il ira à l’hôtel.

Il m’explique qu’il est vierge et qu’un de ses plus grands désirs est d’avoir beaucoup d’enfants. Je lui promets de lui acheter des femmes au Nadj.

— Pas tout de suite en arrivant, me dit-il, à cause de ma famille et du roi Ibn Séoud, qui nous ferait couper le cou s’il se doutait que nous ne sommes pas réellement mariés.

Un matin, en revenant de ses ablutions, il s’essuie sa figure avec ma serviette de toilette ; durement, je lui enjoins de prendre garde à ne pas se servir de mes affaires personnelles. Soleiman semble très vexé, il est persuadé qu’on ne peut que l’admirer. En sus, il reste convaincu, malgré toutes mes rebuffades, que j’ai un petit sentiment pour lui. Soleiman se plaint à chaque instant que je le fatigue et lui casse la tête. Évidemment, je le bouscule un peu ; mais il est si inerte qu’il m’exaspère.

En me promenant dans les rues, je rencontre l’avocat qui m’a servi d’interprète pour ma conversion. Il insiste pour que j’aille prendre le café chez