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LE MARI PASSEPORT

Le lendemain, je réveille Soleiman de bonne heure afin qu’il aille s’informer du résultat des démarches auprès du cadi. Azem, le voyant somnolent, propose de le remplacer dans cette mission, car il connaît la ville et surtout la façon de procéder en pareil cas.

Il revient à neuf heures avec un visage épanoui. Le cheik Tewfik nous attend en effet à la fin de la matinée. Nous nous y rendons. Là sont présents tous les notables nécessaires à la célébration publique de ma conversion. Les femmes me reçoivent dans leurs appartements tandis que tout le monde délibère avec gravité sur les problèmes religieux que pose un cas aussi délicat.

La femme du cheik, laide et sale, lave tranquillement sa cuisine. C’est une bonne femme de ménage, mais sa fille, jeune et outrageusement maquillée, s’empresse à confectionner le bonnet et le voile que j’aurai à revêtir une fois convertie. Nous nous comprenons tant bien que mal. Au bout d’un moment une question leur brûle la langue : elles veulent savoir s’il est vrai, que j’ai donné deux mille livres or à Soleiman.

Car le gaillard ne perd pas une minute pour soigner sa publicité et il étale des richesses imaginaires. Au demeurant, ma réputation d’opulence ne laisse pas de nous aider, en faisant naître partout une amabilité obséquieuse.

Le cheik m’appelle. Le grand conseil religieux a fini de délibérer, dit-il, et il vient à moi avec majesté, pour me faire bien comprendre l’importance de l’acte que je vais accomplir.

Je me couvre aussitôt du voile noir obligatoire. Je me présente à l’assemblée. La minute est assez imposante.