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LE MARI PASSEPORT

graisse ou simplement jetés, pour cinq minutes, dans les braises mêmes du foyer. Une fois cette cuisine finie, on les présente sur une peau de gazelle retournée et chacun se sert sans fourchette.

Ce genre d’expérience fait oublier la vie mondaine. Je trouvais des joies neuves, des émotions inconnues. Je faisais des séjours sous la tente et m’efforçais de renouveler le plus souvent possible cet ensauvagement. Les Bédouins semblaient m’aimer, m’aimaient peut-être, parce qu’ils sentaient que je comprenais leurs goûts et participais de bon cœur à leurs joies. Je baragouinais un peu l’arabe, assez pour me mettre en confiance avec eux.

Un jour que j’étais allée aux ruines de Résafa, perdues dans le désert, avec deux amies et un colonel, homme de lettres, qui commandait à Palmyre, nous parlâmes du pèlerinage de la Mecque, auquel se préparaient justement les musulmans du monde entier. L’une de ces amies, dont le mari était marin et croisait dans la mer Rouge, me raconta alors, comment un marin du bord, descendant à Djeddah pour y faire des provisions, avait été tellement saisi du silence de la ville, de la terreur qui semblait y régner, de l’aspect des habitants qui frôlaient les murs, de cette austérité qu’y maintenait la police toute-puissante d’Ibn Séoud, qu’il était revenu à bord en claquant des dents.

Ma curiosité fut éveillée et redoubla quand, de retour à Palmyre, mon cuisinier m’annonça que sa sœur était partie pour la Mecque avec une dizaine de Palmyréniens.

Ces deux impressions firent comme cristalliser les vagues tendances, imprécises jusque là, qu’avaient suscitées mes récentes expériences bédouines.

Je lui proposai sur-le-champ de partir avec lui pour rejoindre ces pèlerins, mais ce garçon ne sut