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LE MARI PASSEPORT

à la tente du cheik, toujours facile à reconnaître, grâce à ses dimensions. Je saluais le cheik, en portant la main à mon front, et je m’accroupissais comme tous les hommes présents, à côté du feu où étaient alignées les cafetières à long bec et les théières. Un homme broyait le café dans un mortier en rythmant son travail, selon une cadence capricieuse, et l’on buvait l’infusion bien bouillie, non sucrée et parfumée de quelques grains de cardamone dans de petites tasses dépourvues d’anses. À la nuit, venait le « kassoud », poète improvisé, dont la récitation était commentée par une mimique expressive. Puis je passais sous la tente des femmes, où grouillaient les enfants. Je m’y endormais, tout habillée, sur quelques couvertures, que protégeait un paravent de joncs réunis par des fils multicolores.

Parfois, le cheik venait s’assurer là, que j’étais bien couverte, et me bordait paternellement. Au réveil, on me versait dans un bol en bois du lait de chamelle, gage de force et de santé, selon mes hôtes. Je goûtais, dans le calme de cette vie simple, une profonde satisfaction intérieure que je ne puis exprimer, mais que jamais la vie civilisée ne m’a donnée.

De temps en temps, la distraction d’une chasse variait l’existence. Les Bédouins chassent encore souvent au faucon les lièvres et les outardes. La chasse à la gazelle, au contraire, se fait presque toujours en auto, aujourd’hui que les chefs bédouins disposent tous de voitures. J’y ai souvent participé, notamment chez Sattam, cheik des Hadidins.

Il fallait une solide voiture ! Je m’asseyais devant, entre Sattam et son chauffeur nègre, tandis que six Bédouins s’empilaient au fond de l’auto, dans le ballonnement de leurs amples vêtements drapés. Et nous abattions les kilomètres jusqu’à ce que quelqu’un s’écriât : « Gazellan, gazellan ! »