Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

22
LE MARI PASSEPORT

le colonel Ripert. Cet officier, dont la misogynie était connue (Palmyre était interdite aux femmes de militaires), avait été sans doute mal disposé pour moi dès le début. On se rappelle les propos qu’il avait tenus à mon mari.

Possédé, comme tant de Français de Syrie, par une anglophobie maladive, par une manie de voir la main de l’Angleterre dans les événements les plus insignifiants et dans ceux-là même où l’intérêt de l’Angleterre est le plus évidemment absent pour un officier réfléchi, il avait chargé deux infimes mouchards de lui faire rapport sur mon activité à Palmyre.

Un certain Félix, qui n’était sorti de son obscurité jusque-là, que pour quelques condamnations de droit commun, avait été employé naguère dans un hôtel qu’un consortium avait organisé à Palmyre. Les affaires ayant été médiocres, l’exploitation en fut abandonnée et la discorde se mit entre les parties du consortium, qui refusaient, chacune de son côté, de se reconnaître propriétaires. Félix, profitant de cette situation trouble, resta, en usurpant le titre de gardien, pour dilapider le mobilier et l’argenterie. On pourrait croire que les officiers du service de renseignements, qui ne manquaient pas une occasion d’exprimer leur mépris pour cet individu, le tenaient à distance.

Mais non. Félix les traitait en camarades, pénétrait à leur popote comme s’il eut été chez lui et leur fournissait toutes sortes de rapports. D’autre part, un sieur Lakache, dit Joubert, représentant de la Sûreté à Palmyre, était des plus intimes amis de Félix.

J’appris donc, au Haut-Commissariat, que ces deux honorables compères avaient été sollicités par le colonel Ripert de fournir sur moi des rapports. Il