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LE MARI PASSEPORT

le major S…, empreintes de cette simple camaraderie si plaisante et si sympathique qui m’attire tant vers les Anglais et que la plupart des Français ne conçoivent même pas, ancrèrent dans ces esprits minuscules l’idée fixe que j’étais venue à Palmyre pour en étudier les graves secrets militaires et les livrer contre forte somme à l’ennemi. La visite de mes amis officiers anglais renforça cette opinion qu’un gramme de bon sens aurait dû suffire à dissiper. Si l’objet de mon séjour à Palmyre avait été l’espionnage, aurais-je choisi de m’y rendre avec le chef de l’Intelligence Service de Palestine ? M’y serais-je fait rendre aussitôt visite par des officiers de l’armée d’Égypte ? Et lorsque, quelques jours après mon arrivée, on me vola le revolver du major S…, serais-je allée porter plainte à ce capitaine Bouteille, qui commandait alors à Palmyre en lui déclarant avec candeur quel était le propriétaire de l’arme et en lui offrant d’écrire à Haïfa pour connaître son numéro de fabrique, qu’il me demanda afin de faciliter les recherches ? Mais il est bien inutile sans doute de se demander pourquoi des idées aussi sottes germent dans certains cerveaux.

Quoi qu’il en soit, les racontars faisaient leur chemin et le faisaient à mon insu. En attendant la réponse de l’administration des domaines à la demande de terrains que j’avais déposée en vue de mes projets d’élevage, mon mari et moi commençâmes à construire une petite maison au bord d’une source d’eau tiède, dans un joli jardin qui appartenait au cheik Abdallah, le maître du village de Palmyre, célèbre pour s’être laissé enlever par Mme Pérouse, nièce du Président Grévy. Ce vieillard racontait encore ses souvenirs de Chenonceaux et de l’Opéra… Nous vécûmes là six mois de lenteurs administratives. Un beau jour, les officiers du poste,