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LE MARI PASSEPORT

d’un Suisse qui fabriquait des perles artificielles et cherchait, pour son industrie, tout à la fois un commanditaire et un local. Des pourparlers eurent lieu, nous nous entendîmes, et le Suisse s’installa dans un grand atelier que j’habitais, 29, avenue Henri-Martin.

Me voilà donc faisant des perles, mais le procédé de mon associé était primitif. Je voulus faire mieux, m’installai à mon compte et, grâce au concours d’un chimiste habile et fort connu, nous créâmes une perle très parfaite, d’une nacre sans défaut et d’un très bel orient. Mes affaires prirent une envergure que je n’attendais pas, mais comme je ne vendais qu’en gros, le plus clair des bénéfices passait à des intermédiaires.

Comme, d’autre part, ma famille aurait poussé les hauts cris si j’avais ouvert un magasin de vente, je décidai de partir.

Mon père étant mort sur ces entrefaites, ma mère tenta de nous faire revenir près d’elle pour que nous renoncions à gagner de l’argent par un commerce qui lui semblait honteux. Mais ce fut en vain.

L’attrait d’un pays riche, où le ciel est pur, le soleil chaud, n’était pas de ceux auxquels nous pussions résister. Un beau jour, à Marseille, nous prîmes avec nos meubles le paquebot d’Égypte.

Je ne me crus vraiment en route, que lorsque le bateau eut quitté la terre. Des obstacles surgirent, jusqu’au dernier moment, devant mon ardeur à partir.

La cloche avait sonné, la sirène avait déchiré l’air, mais j’étais seule à bord avec mes deux enfants et mes yeux scrutaient le quai grouillant où mon mari n’arrivait pas. Enfin il apparut, juché sur un camion qui portait nos vingt-cinq malles.