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LE MARI PASSEPORT

Personne ne peut me faire, officiellement, un reproche car je n’ai rien fait de honteux ni d’illégal.

Et pourtant, une partie de ma famille, prise dans la vague de timidité, de lâcheté, de crainte du qu’en-dira-t-on qui balaye la France en ce moment, a songé à me faire interner. Ma plus proche parente s’est adressée à Garat, maire-député de Bayonne, actuellement domicilié villa Chalgrin (prison), qui a eu l’audace de demander par une lettre que j’ai lue, adressée au procureur de Bayonne, mon expulsion de France.

Peut-il y avoir de plus frappant exemple de la petitesse et de la mesquinerie, de la basse lâcheté de ceux qui suivent la routine d’une vie tracée le jour de leur naissance, et de leur manque de compréhension total envers la fantaisie et l’indépendance ?

Il est encore assez amusant de savoir comment on a été pleuré. Je crois que personne plus que moi, qui tiens tant à connaître la vraie pensée des gens, fût-elle la pire, ne pouvait être plus mise en joie que par les lettres de condoléances adressées à mon mari, à mes fils, à mon frère, etc.

Aussi, avec quelles délices j’ai pris connaissance de ces derniers témoignages d’affection que je n’étais pas destinée à voir.

Lettre d’une cousine germaine à mon frère :
« Florence, le 5 juin 1933.
« Mon pauvre Pitt[1],

« J’apprends à l’instant, par une lettre, l’horrible nouvelle. Je suis catastrophée, profondément émue. Je pense à votre douleur et me hâte de venir à vous, pour vous dire mes condoléances les plus douloureuses, ma sympathie la plus vive. La malheu-

  1. Pitt, mon frère.