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LE MARI PASSEPORT

J’écris à l’émir, implorant sa bonté, lui demandant de me signifier le résultat du jugement du tribunal. Le consul vient me voir. Il semble consterné par cette incompréhensible procédure. D’habitude on rend plusieurs jugements dans la matinée. La longueur du procès l’étonne. Son air surpris, inquiet, me trouble. Moi qui l’ai connu si optimiste et si sûr de lui jusqu’à présent !

— Je suis peut-être condamnée à un ou deux ans de prison, lui dis-je, horrifiée.

— Je n’en sais rien, fut sa réponse.

Je suis à la limite de ma résistance. Même condamnée à six mois, je me suiciderai plutôt que de les passer dans ce cachot. Je n’en peux plus…

Vendredi 16. — Pas de réponse à ma lettre pour l’émir. J’en écris une deuxième. Mon désespoir atteint son maximum. Je répète ces paroles de supplication arabe : « Ô Dieu, ne donne pas à l’homme tout ce qu’il peut souffrir. »

Je suis à nouveau convoquée devant le cadi.

Je dois jurer en arabe. Comme j’ignore ces formules, je les répète après mon interprète.

Solennellement, la main sur le Coran, je prononce les syllabes rituelles et sacrées.

— Khalas ! (fini), laisse enfin tomber le cadi.

— Merci, merci, me permets-tu de partir directement au consulat ?

— Retourne à la prison, répond-il froidement.

— Non, non, maintenant c’est impossible, tu as dit que c’était fini, c’est toi le juge, dis-moi ce que tu penses, ce que tu décides. Tout dépend de toi. J’aime mieux que tu me fasses tuer, mais finis. Tranche, juge, je ne partirai pas jusqu’à ce que tu me répondes. Je ne peux plus te contempler toujours aussi impassible. Parle, réponds.